CHAPITRE DEUXIÈME
— Je vois, continua Son Altesse Royale, que ma proposition te surprend plus qu’elle ne t’agrée, et, je te l’avoue, je m’y attendais un peu. Je vais donc t’exposer ce que, de toi-même, tu ne me parais pas saisir clairement. Indépendamment des visées particulières de Strumpf, ce qu’il appelle son parti, j’imagine qu’un étranger à la Cour est devenu indispensable. Or, tu es étranger à la Cour. Tu appartiens à la bourgeoisie, tu es professeur à l’Université, une des notabilités du pays, pour parler le langage adopté, et même j’ai lu quelquefois dans les journaux que tu étais remarquable par le libéralisme de tes idées.
— L’origine de ce compliment est, par parenthèse, assez curieuse, répliqua le docteur. J’ai empêché de mettre à la porte de l’hôpital militaire un interne bon travailleur et réellement très-instruit, mais nourri d’idées socialistes. J’y ai tenu, parce qu’on prétendait le remplacer par un petit jeune homme fort sage, à qui l’on ne pourrait sans imprudence confier la guérison d’un panaris. Depuis ce temps, je suis devenu un ami avéré du peuple. C’est un axiome. Le fait est que je méprise souverainement la politique.
— Tu vois, tu en conviens toi-même, tu es populaire. Tu seras donc ministre de l’intérieur et président du conseil.