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Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/138

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Quand le prince se vit de nouveau seul avec son confident, il ne revint pas sur ce qui venait de se passer, mais prenant le ton le plus affairé, il lui parla du conseiller de commerce Martélius et chargea Lanze de se rendre immédiatement chez l’indispensable personnage ; puis, ces mesures prises, il alla se mettre au bain, dans l’intention de monter ensuite à cheval pour visiter une nouvelle caserne.

Dix heures sonnaient précisément quand le professeur rentra chez lui, n’ayant eu aucune peine à faire accepter le ministère au grand Martélius et à le décider à courir chez le souverain. Ce service éminent une fois rendu à la chose publique, le négociateur demanda sa robe de chambre, que madame la docteur Lanze s’empressa de lui apporter et dont elle lui aida à passer les manches. Cela fait, il décrocha une de ses pipes, celle qui servait le mercredi (on était, en effet à ce jour-là), il la bourra, l’alluma, ouvrit le troisième volume d’un nouvel ouvrage sur les maladies nerveuses à la page 549, et s’engloutit à un nombre incalculable de pieds de profondeur au sein d’une lecture méditative.

Pendant ce temps, sa fille Liliane ayant achevé de ranger les tasses et les soucoupes et de peser le sucre à la cuisinière, avait ôté son tablier de ménagère, l’avait plié et serré dans sa chambre, avait mis son chapeau et ses gants, son ombrelle et un petit châle sur son bras, et se dirigeait vers la porte, quand sa mère qui avait ressaisi ses lunettes et son tricot et jetait de temps en temps un regard vers le double miroir placé en face d’elle en dehors de la fenêtre, ce qui lui montrait, sans qu’elle se dérangeât, le spectacle des deux bouts de la rue, quand sa mère lui dit avec une douceur indifférente :