Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Reviendras-tu dîner, Liliane ?

— En vérité, je n’en sais rien. Cela dépendra des endroits où j’irai et il se peut que j’accepte une invitation.

Là-dessus la mère n’ajoutant quoi que ce soit et n’en pensant pas davantage, mademoiselle Liliane Lanze sortit de sa cage et s’envola.

C’était un des plus jolis petits oiseaux que l’on pût voir que mademoiselle Lanze. Elle avait dix-sept ans et était mince, fine, légère comme une fée ; ses beaux yeux bruns candides et curieux, sa bouche sérieuse, ses cheveux châtains ondulés et crépelés, tout en elle était délicat, mignon et respirait la grâce. Elle remontait la rue Frédéric en admirant l’épanouissement de la végétation. La rue Frédéric, à Burbach, possède beaucoup de fort jolies maisons dont la plupart ont leurs façades à doubles fenêtres peintes en rose ou en bleu clair ; d’ailleurs, on y admire encore, placé en face du chemin de fer, l’hôtel de Bellevue, connu si avantageusement dans toute l’Europe comme un véritable palais, et, à côté, le Petit Parc, admirable succession de pelouses semées de bouquets de hêtres et de bouleaux, dont les feuilles minces et frêles produisent le plus ravissant effet au-dessus des massifs de fleurs.

Le temps était chaud ; on ne voyait pas un nuage au ciel. Les pinsons témoignaient leur joie dans les arbres ; sur la terre, couraient les petites filles de magasin portant leurs paquets, marchaient gravement les employés en route pour leurs ministères, passaient avec dignité des dames que Liliane saluait, sans s’arrêter, d’un petit signe de tête très-gracieux et déférent, enfin circulaient, sans se presser et comme gens chargés d’examiner l’humanité sous ses différentes manifestations, messieurs les