Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/170

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ouverte ; le temps ravissant, une fraîcheur printanière se mêlait à la chaleur fécondante ; les jardins s’étendaient à perte de vue, avec leurs cyprès, et les dômes des églises et les pans de murs majestueux de quelques ruines faisaient passer les regards jusqu’aux horizons rougeâtres de la campagne romaine sillonnée d’aqueducs. On apporta les journaux et les lettres, et parmi, il s’en trouva une de Wilfrid avec le timbre d’Angleterre.

Harriet la prit et lut ce qui suit :

« Hé bien ! chère Harriet, vous vous êtes donc décidée à sortir de votre caverne asiatique, absolument comme je me tire moi-même de mon marécage américain. C’est bien fait à vous, assurément ; je ne l’espérais guère ; mais il ne m’est pas permis d’en douter, car je trouve ici un paquet, et, m’attendant depuis six mois, la série entière de vos missives relatives à ce grand événement. J’ai bien le développement complet de l’histoire : premier avis de Bagdad ; second avis du même lieu avec considérations critiques sur ce problème : ne vaudrait-il pas mieux ne pas partir du tout, par égard pour les habitudes prises et crainte des habitudes à prendre ; lettre de Beyrouth, lettre de Malte, enfin lettre de Bologne. Je vous écris maintenant dans la ville éternelle, puisque aussi bien vous devez y être, et j’aime à penser que M. Coxe, fidèle à ses errements, qui ont dû devenir chez lui aussi impérieux que les autres mouvements de la nature, n’aura pas manqué d’aller offrir une Bible anglaise au Saint-Père.

« Le Mexique, je vous l’assure, est un pays agréable ; on est à peu près certain d’y être assassiné dans un délai raisonnable. J’y reviendrai quand je serai las de la vie. En attendant, je suis fort gai. Je passerai quinze jours à Wil-