victoires, toutes plus douloureuses les unes que les autres. Lucie avait lu peu de romans et fut pétrifiée d’admiration.
Sophie lui exposa ce qu’elle avait essayé pour ramener à la vertu le prince de Deux-Ponts et comment elle avait misérablement échoué. Alors, sans hésiter, elle avait éloigné d’elle un homme sans principes, qui, sous le masque de l’affection, osait se flatter des projets les plus coupables. Un instant, le duc d’Olivarès, par les dehors chevaleresques qu’on lui connaît, par ce teint cuivré et ces cheveux noirs qui le font ressembler à un Abencerage, lui avait causé quelque illusion. Hélas ! le prestige s’était vite dissipé ! Le Castillan avait été renvoyé par la même route que le Bavarois. Enfin, Sophie avait connu Jean-Théodore, prince régnant de Wœrbeck-Burbach. Rien de plus séduisant que ce souverain. À beaucoup d’esprit il unit beaucoup de cœur, il est capable de concevoir le bien et même de l’exécuter ; pourquoi faut-il que d’aussi belles qualités soient annulées par cette étrange fantaisie de n’approcher les femmes que pour les perdre ? La malheureuse situation de Son Altesse Royale, quant à sa vie intérieure, auprès d’une personne absurde, avait d’abord frappé douloureusement la comtesse, et elle s’était vivement intéressée à Jean-Théodore.
— Vous ne pouvez vous figurer, chère Lucie, disait-elle, quelle est la compagne à laquelle on a eu le courage de l’associer. C’est une portière bien née, voilà ce qu’on en peut penser de plus indulgent. La princesse héréditaire, de son côté, s’est donné les idées et les façons d’une gouvernante vaudoise ; entre ces deux femmes le pauvre prince était comme un navire sans gouvernail, tournant sur lui-même au milieu d’une mer inerte. Pour échapper à cette misère, il a formé à différentes époques des liai-