Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/25

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sède, et en dehors et au-dessus du gros des subordonnés, des sujets et des esclaves.

— Je vous comprends, repartit Lanze, et vous avez raison plus que vous ne pensez. Être un fils de roi, c’est tout autre chose que d’être un roi. Un roi ! mon Dieu, un roi, la plupart du temps, c’est un souvenir, un idéal ; rarement peut-on reconnaître dans une personne humaine revêtue de ce titre la réalité du fait, au sens du moins que les anciens assumaient sur ce mot suprême ; mais l’essentiel en reste fortement et éternellement attaché à la qualification de fils de roi. C’est celui qui a trouvé les qualités que vous avez dites, pendues à son cou dès le jour de sa naissance ; celui-là, incontestablement, par un lignage quelconque, a reçu du sang infusé dans ses veines les vertus supérieures, les mérites sacrés que l’on voit exister en lui, que le monde ambiant ne lui a pas communiqués. Où ce monde les eût-il pris quand il ne les a pas ? Où le nourrisson les eût-il saisis, puisque nulle part il ne les avait sous la main ? Quel lait de nourrice les lui eût donnés ? Existe-t-il des nourrices si sublimes ? Non ! Ce qu’il est sort d’une combinaison mystérieuse et native ; c’est une réunion complète en sa personne des éléments nobles, divins, si vous voulez, que des aïeux anciens possédaient en toute plénitude, et que les mélanges des générations suivantes avec d’indignes alliances avaient, pour un temps, déguisés, voilés, affaiblis, atténués, dissimulés, fait disparaître, mais qui, jamais morts, reparaissent soudain dans le fils de roi dont nous parlons.

— Bravo ! fit Nore.

— Vous m’inquiétez, interrompit Laudon. Ainsi, à votre gré, à tous deux, et pour préciser les choses, il y aurait, aujourd’hui, de par le monde, un certain nombre