— Non ! c’est un amant comme on n’en connut jamais !
Les deux cavaliers ne répondirent pas, et montant à cheval, ils firent marcher leur prisonnier devant eux. Ils le conduisirent à Lisbonne et le livrèrent au juge de police. Puis, le lendemain, ils se rendirent au palais, où ils racontèrent tout au Roi en demandant le châtiment du coupable, soit qu’on le livrât à la justice espagnole, soit qu’on le déportât dans les présides d’Afrique.
Le Roi, ayant écouté le récit de don Juan, témoigna vouloir mettre fin à l’odieuse persécution dont doña Carmen était victime, et afin que l’affaire ne traînât pas en longueur, il donna l’ordre d’amener à l’instant dans une salle du palais où il se rendit avec la Reine, les seigneurs du Conseil et toute la Cour, les différents personnages participant à cette affaire.
De sorte que, le moment de l’audience arrivé, on vit d’un côté, doña Pilar, Carmen, avec son frère et son fiancé don Félix ; de l’autre, des soldats entourant don Pierre, celui-ci, pâle, en désordre, les fers aux mains, et tandis que le Roi faisait asseoir les dames et les cavaliers, lui, on le laissa debout comme un malfaiteur.
— Vous êtes, lui dit le Roi d’une voix sévère, vous êtes don Pierre de Luna, de la maison de Benavidès, ancien gouverneur d’Alhama ?
— Je l’étais il y a longtemps, je ne suis plus rien de pareil.
— Qui êtes-vous donc, vous que la honte sépare de vous-même ?
— Je suis un homme dont le chagrin a blanchi les cheveux et détruit la vie.
— Cette jeune fille vous a-t-elle trompé ? Que lui reprochez-vous ?