Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/114

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sopha un peu bas, qu’on nomme takhteh, sur lequel Mirza-Kassem invita son hôte à prendre place.

Celui-ci fit les difficultés exigées par le savoir-vivre. Il se défendit de tant d’honneur, en alléguant son indignité.

— Je ne suis, répéta-t-il plusieurs fois avec modestie, qu’un très-misérable derviche, un chien, moins que de la poussière sous les yeux de Votre Excellence. Comment aurais-je l’audace d’abuser à ce point de ses bontés ?

Le derviche parlait ainsi ; mais, pourtant, il y avait sur toute sa personne, un cachet de distinction, et, pour tout dire, de dignité si évidente, que l’honnête Mirza-Kassem était intimidé et se demandait s’il ne devait pas demander humblement pardon à un tel homme de l’audace qu’il avait eue de l’amener chez lui. En lui-même, il se disait : Quel est ce derviche ? Il a l’air d’un roi, et plus fait pour commander une armée que pour errer sur les grands chemins !

Cependant le derviche avait pris place. Le petit esclave nègre apporta le thé ; mais le derviche ne voulut boire que la moitié d’un verre d’eau. Le kalioun fut de même présenté ; le derviche le refusa, alléguant que ses principes ne lui permettaient pas l’usage de pareilles superfluités, de sorte que Mirza-Kassem qui aurait volontiers tiré quelques bouffées pleines de saveur se crut obligé de louer le zèle du saint personnage et de renvoyer l’instrument tentateur en affirmant que,