Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/130

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— Où est-il ?

— Il est parti pour le Khorassan, il va traverser Meshed, Hérat et le pays de Kaboul ; je le retrouverai au plus tard dans les montagnes de Bamyân.

— Quel besoin as-tu de lui ?

— J’ai besoin de lui, il a besoin de moi. Aussi bien je ferai mieux de te dire tout.

— Tu feras mieux, sans doute, dis-moi tout. Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! je deviens folle ! Parle, mon amour, mon enfant, ma vie ! Parle !

Kassem, ému de douleur, de tendresse et de pitié, prit la main d’Amynèh, la serra et la garda dans la sienne pendant qu’il raconta ce qui suit :

— Le derviche peut tout, tout au monde ! Il me l’a prouvé cette nuit ! Il peut tout, hormis une seule chose, et, sans un compagnon, il ne la réalisera jamais. Depuis plusieurs années, il a cherché ce compagnon. Il a parcouru la Perse, l’Arabistan, la Turquie pour le trouver ; il a été le chercher en Égypte et s’est rendu même au-delà, dans le pays du Magreb, traversant les terres occupées par ces Férynghys, qu’on appelle les Fransès. Il n’a partout vu que des gens d’un esprit borné ou d’un cœur irrésolu. La plupart l’écoutaient avec complaisance, tant qu’il leur parlait des moyens de faire de l’or ; mais quand il voulait élever leurs esprits, plus de ressort ! Les zélés devenaient froids. Le derviche ne se décourageait pas. Il était certain que l’homme nécessaire à ses