Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/131

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vues existait dans le monde ; les opérations du Raml, les points jetés et combinés sur la table de sable le lui avaient fait connaître par des calculs infaillibles. Seulement, il ignorait le lieu où cet ami de son cœur se trouvait. Il allait le chercher dans le Turkestan, quand, hier, il a traversé la ville. Il m’a parlé, il m’a ouvert son cœur tout entier. Le mien s’est éclairé. C’est de moi qu’il s’agit. Je suis l’élu ! Moi seul, je peux résoudre le mystère. Me voilà ! Je suis prêt ! Il faut que je parte ! Je pars ! Mort ou vivant, j’aiderai le derviche à arracher le dernier secret !

Kassem avait parlé avec un tel enthousiasme, ses dernières paroles étaient empreintes d’une conviction, d’une résolution si inébranlables, qu’Amynèh baissa la tête. Mais il s’agissait de l’anéantissement de son bonheur ; elle ne resta pas longtemps vaincue, et, à son tour, elle reprit d’une voix ferme :

— Mais moi ?

— Toi ! toi ! que veux-tu que je te dise ? Je t’aime plus que tout au monde ; mais ce qu’il faut que je fasse, je ne saurais l’empêcher. Une force, plus terrible que tu ne saurais le concevoir, m’entraîne malgré l’amour que j’ai pour toi. Il faut que j’obéisse… J’obéis ! Tu te retireras chez tes parents… Si je reviens… alors… mais, reviendrai-je ? Que vais-je devenir ? Qui peut le savoir ? Dois-je rien désirer autre que ma tâche ? Enfin, si je reviens…

— Si tu reviens, seras-tu à moi ?