Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/132

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— Tout entier ! répondit Kassem avec un attendrissement et une chaleur qui prouvaient bien que l’amour n’avait pas été éteint par la nouvelle passion ; oui, tout entier ! Pour toujours ! Je ne songerai qu’à toi ! Je ne voudrai que toi ! Cependant… écoute ! Cela est si peu probable que je revienne !… Tout est ténèbres dans ce que je fais… Peut-être, aurais-tu plus raison… Si tu veux m’en croire, je demanderai le divorce, tu prendras un autre mari… Tu auras des enfants…

Là, Kassem se mit à pleurer avec une amertume extrême. Amynèh, au milieu de sa douleur, ressentit quelques tressaillements de joie et même déjà de l’espérance, et elle répondit :

— Non, je ne consens pas au divorce ; je t’attendrai, un an, deux ans, trois ans, dix ans… jusqu’à ma mort ! Jusqu’à ma mort, entends-tu ? Et elle arrivera bien plus tôt, si tu meurs toi-même. Je ne veux pas non plus me retirer chez mes parents. Je les connais. Ils croiraient que je suis malheureuse, non de ton absence, mais d’être seule ; ils voudraient me remarier. J’irai demeurer avec ta sœur, et c’est là qu’il faut venir me rejoindre le plus tôt que tu pourras.

Kassem essuya ses yeux, et, ayant embrassé Amynèh, laissa reposer sa tête pendant assez longtemps sur le cœur fidèle dont il allait se séparer. Le silence n’était interrompu que par des sanglots et de longs soupirs. Enfin Amynèh demanda à voix basse :

— Quand veux-tu partir ?