Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/133

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— Ce soir, répondit Kassem.

— Non ! Accorde-moi cette nuit encore, tu partiras demain. Pour moi, je vais aller chez ta sœur la prévenir ; demain, tu m’aideras à faire tout transporter chez elle ; quand tu m’y verras installée, alors… tu me quitteras… Mais, je prétends que tu me croies là, afin que, quand tu seras loin, tu puisses regarder dans ta pensée, moi, mes vêtements, ma chambre… et tout ce qui m’entoure !

Et elle recommença à pleurer, mais plus, doucement ; puis, sentant qu’elle n’avait pas trop de temps à perdre, elle se leva enfin d’auprès de son mari, passa de grands pantalons à pied que les femmes mettent pour sortir, s’enveloppa dans le grand byâder ou manteau de coton bleu qui enveloppe la tête et toute la personne, attacha, au moyen de deux agrafes d’or incrustées de grenats et en forme de colombes, le roubend ou voile de percale épaisse percé à la place des yeux d’un treillis étroit, et ainsi prête, elle serra encore une fois la main de Kassem plongé dans une sorte de prostration, et sortit.

Quand elle fut dans la rue, elle avait le cœur si gros et se sentait si malheureuse, si abandonnée, qu’il s’en fallut peu qu’elle ne se mît à pousser de grands cris pour implorer la pitié des passants ; elle l’eût fait sans doute et chacun l’eût plainte, mais elle changea d’idée en passant devant la mosquée.

Elle y entra et dit ses prières. Elle en récita avec