Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/178

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propos étaient agréables, tels qu’on devait les attendre de gens aussi distingués. On venait d’apporter des chandelles et de les mettre sur la nappe avec un nouveau train de bouteilles quand le moulla interrompit un des deux Kurdes qui, à tue-tête et du fond de son nez, chantait un air lamentable, et fit la proposition que voici :

— Excellences, puisque les miroirs de mes yeux ont le bonheur insigne de refléter aujourd’hui tant de physionomies avenantes, il me vient l’idée de présenter une offre qui sera sans doute accueillie avec indulgence par quelqu’un des illustres membres de la société.

— L’excès de la bonté de Votre Excellence me transporte, répondit un des muletiers, qui avait encore un certain sang-froid, mais dodelinait de la tête d’une manière à donner le vertige ; tout ce que vous allez nous ordonner est précisément ce que nous allons faire.

— Que votre indulgence ne diminue pas ! répartit le moulla. Je connais une jeune personne ; elle désire se marier avec un homme de considération, et je lui ai promis de lui découvrir un époux digne d’elle. À vous parler en toute confiance, comme on le doit avec des amis éprouvés, et pour ne rien vous dissimuler de la vérité la plus exacte, la dame en question est d’une beauté à faire pâlir les rayons du soleil et à désespérer la lune elle-même ! Les plus scintillantes étoiles