Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/187

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meau de son gâma ; son bonnet était défoncé, sa chemise déchirée, ses boucles de cheveux fort en désordre. Il avait l’air, de l’avis secret de Bibi-Djanèm, qui s’y connaissait, du plus délicieux chenapan que le bon goût d’une femme pût rêver.

— Assieds-toi, mon chéri, dit la dame en posant sa guitare, pendant que Mirza-Hassan-Khan terminait brusquement un trille audacieux et une savante roulade. D’où viens-tu ? T’es-tu bien diverti ce soir ?

Gambèr-Aly s’accroupit, ainsi que sa mère venait de le lui permettre, mais modestement, et restant contre le chambranle de la porte, il répondit :

— Je viens de sauver la vie au lieutenant du prince-gouverneur. Il était attaqué dans la campagne par vingt hommes de guerre, des tigres en fait d’audace et de férocité, tous des Mamacènys ou des Bakhtyarys, je crois bien ! Car il n’est que ces deux tribus pour présenter des hommes aussi gigantesques ! Je les, ai abordés et les ai mis en fuite, avec la faveur de Dieu !

Là-dessus, Gambèr-Aly prit une pose modeste.

— Voilà, cependant, le fils que j’ai mis au monde, moi seule ! s’écria Bibi-Djânèm en dévisageant son mari d’un air de triomphe. Embrasse-moi, mon âme ! embrasse ta mère, ma vie !

Le jeune héros n’eut pas besoin de se déranger beaucoup pour satisfaire la tendresse de son admiratrice ; la chambre était exiguë ; il avança un peu le