Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

corps et plaça son front sous les lèvres qui se tendaient vers lui. Quant à Mirza-Hassan-Khan, il se contenta de dire avec un sentiment vraiment pratique :

— C’est une bonne affaire !

— Que t’a donné le seigneur Lieutenant ? continua Bibi-Djânèm.

— Il m’a invité à déjeuner pour demain au palais et il me présentera à Son Altesse elle-même.

— Tu vas être nommé général ! prononça la mère avec conviction.

— Ou conseiller d’État ! dit le père.

— Je ne détesterais pas d’être chef de la douane pour commencer, murmura Gambèr-Aly d’une voix méditative.

Il croyait plus d’à moitié ce qu’il venait d’inventer à la minute même, et cela provenait des lois particulières qui régissent l’optique des esprits orientaux. Un pishkedmèt du prince, qui voulait du bien au pauvre et intéressant Gambèr-Aly, était nécessairement un homme du plus rare mérite, et, dès lors, comment n’eût-il pas été le favori de son maître ? Puisqu’il était le favori de son maître, il était son véritable lieutenant, toute affaire lui était nécessairement confiée, et, avec un tel pouvoir, était-il possible d’admettre qu’il lésinât dans les récompenses à accumuler sur la tête de son sauveur ? À la vérité, Gambèr-Aly n’avait pas mis en déroute une bande de farouches et terribles