Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/274

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d’expirer, la chère enfant que nous regrettions tous les deux, s’était souvenue de lui avec beaucoup d’affection. Je ne peux pas prétendre tout à fait que mes récits fussent mensongers ; car j’avais tant besoin de m’attendrir sur moi et sur les autres qu’il m’était tout à fait aisé de parler de choses tristes et touchantes, et, vraiment, je puis affirmer que je le faisais d’abondance de cœur. Souleyman et moi nous mêlâmes encore nos larmes, et, quand je le quittai vers le matin, je lui jurai du plus profond de mon cœur de ne jamais l’oublier, et on voit que j’ai tenu parole. Il m’embrassa, de son côté, avec une véritable affection. Je rejoignis alors mes camarades : le régiment se mit en marche, et moi, avec lui, dans les rangs, à côté de mon vékyl.

Nous étions fort nombreux. Je vis passer de la cavalerie ; c’étaient des hommes des tribus du sud et de l’ouest. Ils avaient assez bonne mine, meilleure que nous ; mais leurs chevaux mal nourris ne valaient pas grand chose. Les généraux étaient restés à Meshhed. Il paraît que c’est absolument nécessaire ainsi ; parce que de loin on dirige mieux que de près Les colonels avaient imité les généraux, sans doute pour la même raison. En somme, nous avions peu d’officiers au-dessus du grade de capitaine, et c’est très à propos, attendu que les officiers ne sont pas faits pour se battre, mais pour toucher la paie des soldats. Presque tous les chefs étaient des cavaliers nomades : ceux-là étaient venus avec nous ; mais on sait que ce genre d’hommes