Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

loué ! Que les Saints Imams soient bénis et que leurs noms sacrés soient exaltés ! Amen ! Amen ! Gloire à Dieu, le Seigneur des mondes ! Gloire à Dieu ! Gloire à Dieu !

Un miracle, dis-je, arriva et ce fut celui-ci. Comme toujours, il s’était rassemblé autour de nous beaucoup de femmes. Elle se pressaient les unes sur les autres et s’avançaient de leur mieux pour nous bien considérer, de sorte que moi, qui racontais nos infortunes au public, je me trouvais avoir en face comme un mur de voiles bleus et blancs, aligné devant moi. J’en étais à cette phrase, que je répétais souvent avec onction et désespoir :

— Oh ! Musulmans ! oh ! Musulmans ! Il n’y a plus d’Islam ! La religion est perdue ! Je suis du Khamsèh ! Hélas ! hélas ! je suis des environs de Zendjân ! J’ai une pauvre mère aveugle, les deux sœurs de mon père sont estropiées, ma femme est paralytique et mes huit enfants expirent de misère ! Hélas ! Musulmans ! si votre charité ne se hâte de me délivrer, tout cela va mourir de faim, et, moi, je mourrai de désespoir !

À ce moment même, j’entendis un cri perçant à côté de moi, et une voix que je reconnus tout aussitôt, et qui me traversa le cœur comme une flèche de feu, s’écria :

— En Dieu ! par Dieu ! pour Dieu c’est Aga ! Je n’hésitai pas une seconde :

— Leïla ! m’écriai-je.