Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/305

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l’entretenir suivant le mérite de cette créature adorable, a consenti à divorcer avec elle et je l’ai épousée.

Je ne fus pas trop content. Mais que pouvais-je faire ? Me soumettre à ma destinée. On n’y échappe pas. Bien souvent, j’avais eu occasion de reconnaître cette vérité. Elle venait me frapper encore une fois, et, je l’avoue, d’une manière qui me fut sensible. Je ne soufflai pas mot. Cependant je suivais Abdoullah. Quand nous fûmes arrivés près de la Porte-Neuve, il m’introduisit dans une fort jolie maison et me conduisit à l’enderoun.

Là, je trouvai Leïla assise sur le tapis. Elle me reçut très-bien. Pour mon malheur, je la trouvai plus jolie que jamais, plus saisissante, et j’avais des larmes qui me gonflaient le cœur. Elle s’en aperçut, et lorsque, après avoir pris le thé, Abdoullah, qui avait des affaires, nous eut laissés seuls, elle me dit :

— Mon pauvre Aga, je vois que tu es un peu malheureux.

— Je le suis beaucoup, répliquai-je en baissant la tête.

— Il faut être raisonnable, poursuivit-elle, et je ne te cacherai rien. J’avoue que je t’ai beaucoup aimé et que je t’aime encore ; mais aussi je n’ai pas été insensible aux bonnes qualités de Souleyman, la gaieté et l’entrain de Kérym m’ont ravie, et je suis pleine d’estime et d’attendrissement pour les mérites d’Abdoullah. Si l’on me demandait de déclarer quel est