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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/335

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on sait qu’ils ne pouvaient rien rencontrer. Cette déconvenue, l’air de profonde innocence affecté par Mohammed et ses hommes augmenta leur désarroi.

— Fils de mon père, reprit Mohammed d’une voix affectueuse, il me paraît qu’un grand chagrin vous accable et j’en prends ma part. Que vous est-il arrivé ?

— Ma fille s’est enfuie, répondit Osman, ou bien on me l’a prise. Dans tous les cas, elle me déshonore.

— J’en prends ma part, répéta Mohammed, car je suis votre aîné et son oncle.

Cette remarque fit quelqu’impression sur Osman, et un peu honteux du bruit inutile qu’il venait de faire, il prit congé de son frère presque amicalement et emmena son monde. Le vieux Mohammed, quand il se trouva seul, se mit à rire ; non-seulement il avait frappé au cœur son ennemi, mais encore il l’avait trompé et bafoué. Quant à Osman, complètement découragé, ne sachant quel parti prendre, livré à un transport de rage que l’impuissance exaltait, il rentra chez lui avec ses fils et ses hommes, non pour se coucher, non pour dormir, mais pour s’asseoir dans un coin de sa chambre et les deux poings fermés appuyés sur son front, chercher dans les ténèbres de sa raison une façon de s’y prendre pour retrouver les traces de sa fille. L’aube naissante le trouva dans cet état.

À ce moment, un de ses hommes, son lieutenant, son nayb, entra dans la chambre et le salua ;

— J’ai trouvé votre fille, dit-il.