Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toi ! Et plus le danger est grand, moins je m’éloigne, plus je m’approche, plus je me confonds avec toi ! Ne tremble donc pas ; si je n’étais là, tu n’aurais peur de rien ! Pourquoi veux-tu rejeter de ton être ce morceau qui en est, qui est moi, et qui ne peut ni vivre ni mourir sans toi ?

La beauté est belle ; la passion, l’amour absolu sont plus beaux et plus adorables. Jamais idole si parfaite, que l’ait imaginée ou faite l’ouvrier, n’approche en perfection d’un visage où l’affection dévouée répand cette inspiration toute céleste. Mohsèn était enivré d’entendre Djemylèh disant de telles choses et de la regarder les disant. Elle le transportait avec elle-même dans cette sphère brûlante, où, devant la sensation présente, l’avenir et le passé sont également anéantis. Et, de la sorte, ces enfants, qu’une protection bizarre entourait, que des haines directes, actives, furieuses, poursuivaient, que le hasard venait de trahir, et qui, sauf un miracle, ne pouvaient s’échapper de l’enceinte étroite où les resserrait leur perte, dans laquelle ils tournaient, oui, ces amants planaient ensemble dans l’éther du plus absolu bonheur que l’homme le plus fortuné puisse respirer jamais !

Ils étaient dans un de ces moments où l’esprit acquiert, par l’effet même de la félicité qui l’emporte, une activité, une puissance de perception supérieure à celle qu’il a d’ordinaire. Alors, tout absorbé qu’on