Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/416

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en abondance, il prit dans sa ceinture une fiole contenant de la liqueur rouge et en versa plusieurs gouttes dans un verre d’eau dont il fit avaler quelques gorgées à ma cousine. Cela fait, il ouvrit la porte toute grande, ordonna à chacun de sortir et de se tenir dans la cour sans plus entrer, car, disait-il, il faut de l’air à cette enfant.

Pour lui, il s’assit au pied du lit et resta les yeux fixés sur la mourante. Que dis-je, la mourante ? Quand je revins une heure après, certain de ne plus trouver qu’un cadavre, je la vis sur son lit, les yeux grands ouverts, ayant repris connaissance, sa bouche essayait de sourire. Elle me regarda… Puisse Dieu très-haut et très-saint donner le bonheur des Élus au derviche pour ce regard que je lui dois  !

Pendant trois jours, le vieillard n’abandonna pas celle qu’il venait de sauver. Nous lui offrîmes tout ce que nous possédions pour lui témoigner notre reconnaissance.

— Je ne saurais qu’en faire, nous répondit-il en souriant. En ne possédant rien, je possède tout ; seulement il est en votre pouvoir de me rendre un grand service.

— Parlez, répondîmes-nous, vous avez tout droit et tout pouvoir sur vos esclaves.

— Eh bien  ! donc, répliqua-t-il, comme je viens de le dire, je suis vieux et mes forces ne sont plus grandes ; dans ma jeunesse, j’avais fait vœu d’exécuter