Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/51

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bien caché là-dessus ; enfin il est riche. Je lui connais des terres dans trois villages des environs de Batoum, et il a par dessus le marché un joli revenu provenant des mines d’argent de Gumush-Khanêh. Voyez ce que vous voulez faire.

— J’aime tendrement Omm-Djéhâne, répliqua les Splendeurs de la Beauté. C’est ma fille adoptive. Mon cœur saigne déjà en entendant vos paroles ; que sera-ce lorsqu’il faudra me séparer de cette enfant ? Je vais mourir de mille morts ; on m’enterrera ; on m’enterre ! Cela mérite considération. Combien me donnera-t-on pour consentir à de pareils sacrifices ?

Grégoire Ivanitch se caressa le menton :

— C’est, en effet, une affaire de conséquence. Omm-Djéhâne recevra un tiers de ce que donne le Kaïmakam ; j’aurai le second tiers comme ayant été le promoteur de cette heureuse union, et vous partagerez le troisième tiers avec notre bon et cher ami le maître de police. L’acheteur offre deux mille roubles argent.

— Deux mille roubles argent ? répondit la maîtresse chanteuse, d’un air consterné ; y pensez-vous ? Comment avez-vous pu écouter une pareille proposition sans éclater de rire ! Une fille, qui est une perle de vertu et d’innocence, qui n’a jamais dansé que devant les personnes les plus respectables, comme des généraux et des colonels ; tout au plus (une fois ou deux !) devant des majors ! Une fille qui parle le russe et le français comme ceux qui les ont inventés et qui peut