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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/93

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naissais pas. Maintenant que je sais qui vous êtes, je donnerais beaucoup pour vous venir en aide. Voyons, ma chère enfant, asseyez-vous là. Parlez-moi comme à un frère. Je suis de votre avis, nous vivons dans un monde fâcheux, et, barbare ou policé, le meilleur n’en vaut rien. Que vous faut-il ? De l’argent peut-il vous aider ? Je n’en ai pas beaucoup. Tenez, voilà ce qui me reste, prenez-le. Pour tout au monde, je voudrais vous servir. Vous me regardez ! Je ne vous tends pas de piège ! Et, tenez, le pauvre Assanoff ! Je ne l’aurais pas détourné de vous, qu’il s’en serait détourné lui-même. Vous savez maintenant ses habitudes. Que pourriez-vous attendre de lui ?

— Vous ne vous enivrez donc pas, vous ! demanda Omm-Djéhâne avec un certain accent de surprise.

— Ce n’est pas l’usage de mon pays, répondit-il. Enfin, parlons de vous. Qu’allez-vous devenir ? Que comptez-vous faire ?

Elle tint ses yeux attachés sur ceux de Moreno pendant quelques instants et lui dit :

— Aimez-vous une femme dans votre pays ?

Don Juan pâlit légèrement, comme il arrive aux blessés dont on touche à l’improviste la chair vive ; il répondit toutefois :

— Oui ! j’aime une femme !

— Vous l’aimez bien ?

— De toute mon âme !

Omm-Djéhâne ramassa son voile autour d’elle, cou-