Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa femme avec une déférence pleine d’une tendresse timide, elle prit le bras de don César et l’on entendit le son joyeux d’une cloche.

C’était l’annonce du dîner. Ce dîner fut bon.

Un des premiers devoirs que remplit l’heureux don César Bianconero, lorsqu’il se vit installé dans sa nouvelle famille, fut de l’instruire du tendre attachement qu’il avait pour ses anciens camarades. Il ne dissimula rien des services journaliers que lui rendait Polichinelle, des bons conseils dont ne le laissait jamais manquer Colombine et du dévouement véritable que Tartaglia déguisait sous son enveloppe jalouse et brutale.

La marquise Bianconero, en mère passionnée, prit avec chaleur la cause des comédiens et déclara qu’elle les recevrait publiquement dans sa maison, qu’elle les présenterait partout, et qu’elle allait employer tout son crédit pour qu’eux seuls eussent le privilège de jouer les pièces à canevas, non seulement à Naples, mais dans tout le royaume. A cette déclaration quelque peu fougueuse, le marquis baisa la main de sa femme avec tendresse et lui dit :

— Madame, la reconnaissance va bien à la pureté de votre âme ; mais, lorsque vous aurez réfléchi, je ne doute pas que vous n’aperceviez tous les inconvénients de votre projet.

— Homme sans générosité ! dit la marquise. Et elle ne voulut pas lui permettre même de donner ses raisons ; elle lui reprocha ses préjugés et sa froideur et tout en resta là.