Aller au contenu

Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Don César fut bientôt lancé dans ce que la ville avait de plus considérable. Sa romanesque histoire, la comparaison avec ses prédécesseurs, la justice qu’on lui avait rendue comme comédien, tout contribuait à le faire désirer partout ; et, comme la malignité de l’homme s’éveille toujours au moment où commence son attention, on chercha avec grand soin un moyen légitime de le prendre en horreur.

Il était l’unique sujet de toutes les conversations.

— Marquise, disait un jour la belle vicomtesse de Charpigny, nièce d’un cardinal, à Mme de X…, ne trouvez-vous pas inouï de recevoir un comédien chez soi ?

— Que dites-vous, ma toute belle ? répondit la vieille dame ; s’il n’avait été que comédien, ce serait peu ; mais l’abbé Lorzi l’a connu à Nice, marchand d’oranges. Après tout, il porte un beau nom ; sa fortune sera immense et l’on dit qu’il va épouser la petite Fieramonte.

La nouvelle était vraie. M. de Bianconero, par amour pour sa femme, s’était mis en campagne et avait mené à bien ce projet d’alliance. Mais ce n’était pas tout ; pour le rendre possible, il fallait une révolution dans les mœurs de don César.

La continuation de ses premières amitiés avait enchanté tout le monde au début. On avait trouvé cela d’autant plus louable qu’on le jugeait plus héroïque, car une espèce de parvenu devait être fort tenté, dans son for intérieur, de rompre avec