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— Capable de… eh bien, oui ! de déclarer que vous n’êtes pas son fils.

— Mais ce serait absurde !

— Voilà un mot que je ne puis vous passer, monsieur, appliqué à une femme aussi respectable ; mais je veux bien l’attribuer pour cette fois à la vivacité de votre âge. Voici ce que j’ai résolu. Vous allez partir sous le prétexte de voyager ; votre train sera digne du rang que vous occupez dans la société. J’ai annoncé cette nouvelle à la marquise, elle l’a accueillie avec douleur sans doute, mais enfin j’ai su la persuader, et elle a consenti. Faites vos préparatifs, et que dans deux jours vous soyez sur les grands chemins ; c’est ce que, je vous souhaite à vous, à elle, à moi, du plus profond de mon cœur. Ecrivez-nous souvent, tâchez de vous arranger de manière à venir passer un mois tous les ans auprès de nous, et je pense que nous n’aurons rien à craindre.

Voilà quelle fut la harangue du marquis Bianconero. Don César la trouva fort remarquable, moins comme pièce d’éloquence que par les faits qu’elle contenait. Il eut un instant l’idée de demander des explications catégoriques sur la nature du rôle qu’il jouait. Il s’indigna de la position ambiguë qu’on lui avait faite ; mais le titre, la fortune, la position dont il jouissait étouffèrent toutes ces fumées de dignité offensée ; il se tut, fit de tendres adieux à sa mère qui pleura beaucoup, le serra longtemps sur son cœur, et il partit. Pendant six semaines il parcourut l’Italie, vit Rome,