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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/119

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O ma Chloris, je meurs, je me consume…

L’amour me poind… consens donc à m’aimer !

Prends de ce feu que ton regard allume,

Et qui bientôt va tout me dévorer,

Si tu ne veux toutefois me céder.

Oui, cède-moi, c’est l’amour qui l’ordonne,

C’est l’âge ardent où tu viens d’arriver,

C’est la beauté de toute ta personne,

C’est le délire où je me sens tomber.

Ah ! c’est ma mort si tu ne veux céder.

Les rimes n’étaient point riches, c’étaient des vers de grand seigneur.

Don César ; attendait ; avec une grande anxiété, comme tout autre aurait fait à sa place, l’effet de cette incartade maladroite, et dont il se repentit du moment qu’il l’eut faite. Rosetta lut jusqu’au bout avec une grande attention et sans marquer le moindre mécontentement ; puis elle recommença cette lecture et sembla étudier les strophes les unes après les autres ; enfin, elle prit une plume, retrancha quelques mots, en ajouta d’autres et, présentant à don César ébahi une sorte d’hymne mystique à la manière de sainte Thérèse, elle lui promit d’une voix douce et calme de la méditer chaque jour dans ses oraisons.

Après ce trait, il fallait se tenir pour battu, et don César prit ce parti. Les deux voyageurs étaient à Trieste depuis deux jours quand cette résolution fut arrêtée et je vous demande pardon de ne pas vous en avoir prévenu plus tôt et de n’avoir pas indiqué l’auberge qu’ils avaient choisie.