Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/15

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— Nous avons besoin d’un Scaramouche, observa Colombine.

— Scaramouche ! dit Matteo en cessant tout à coup de se préoccuper de sa santé ; Scaramouche ! n’est-ce pas le résolu Scaramouche qui parle vite, beaucoup et bien, qui embrouille et débrouille les intrigues, porte une collerette blanche et une longue épée ? Vive Dieu ! je me sens capable de m’élever à la hauteur de ce rôle. Eh ! je puis être mélancolique, sentimental, amoureux, voleur, escroc, honnête, stupide, fou, en un mot, le résumé de toutes les vertus et de toutes les faiblesses humaines comme ce grand modèle ! Je joue des castagnettes et pince de la guitare !

Le rayon du Ciel venait d’éclairer Matteo, et sa vocation se décidait. Il versa quelques larmes, tribut de son émotion, et serrant la main de Polichinelle d’une manière expressive :

— O mes frères ! s’écria-t-il, je suis Scaramouche !

Ici, donnant un vigoureux coup d’éperon à feu le cheval Pégase, que je ressuscite pour me servir dans cette narration noble et tout épique, je crois devoir, par égard pour le lecteur, sauter par-dessus les deux ou trois mois d’apprentissage de Matteo, non pas qu’ils aient été indignes de lui ; mais quand on a vu Phèdre, va-t-on parler de l’Alexandre ? Sa réputation arriva promptement à un degré assez remarquable pour que la troupe, dans laquelle il avait déjà pris une influence qui le disputait à celle de Polichinelle, résolût d’aller