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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/21

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minutes après l’entrée de l’abbé au palais Tiepolo, Scaramouche et ses compagnons virent arriver au milieu d’eux le digne Corybante donnant le bras à un masque dont la taille semblait assez bien prise.

Cette entrée parut singulière au fantasque Arlequin, car la pureté des mœurs de l’abbé était hors de toute atteinte. Mais surtout, ce qui étonna tout le monde, c’est que le joli masque ne quitta pas le bras de son protecteur ; tandis que le protecteur paraissait fort embarrassé de sa personne, ménageait ses paroles comme des perles, et appelait Polichinelle Excellence. On était en train de répéter ; sur l’invitation spéciale de l’abbé, on continua. Par une sorte d’instinct, de coquetterie, pourrais-je dire, Matteo fut sémillant au dernier point, tant et tant que Colombine, qui voyait tout, lui dit bas en lui montrant le masque : "Gare au cœur ! " La répétition finie, le masque parla bas à l’abbé, et l’abbé dit : "Nous partons ! " Tartaglia, qui ne comprenait jamais pourquoi le timbre d’une horloge frappait douze coups quand l’aiguille était sur douze, lui répondit brutalement : "Eh bien, va-t’en ! " Scaramouche escorta galamment les visiteurs jusqu’à la porte et l’abbé, avec une répugnance visible, lui jeta ces paroles : "La signora vous invite à vous promener quelquefois sur la Piazzetta vers neuf heures."

O premières sensations de l’amour, qu’on vous a décrites de fois avec justesse, et que vous serez encore décrites à l’infini ! Matteo se promena sur