Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Divine plaisanterie ! vous faites le bonheur de la jeunesse !

Dans tout cela le plus malheureux, c’était ce bon Corybante.

Cependant, comme on ne peut manquer de trouver la vérité lorsqu’on la cherche avec ardeur, Matteo, après de longs calculs, avait découvert que sa maîtresse invisible était la femme d’un marchand de soieries qui demeurait à l’angle de la rue San-Giuliano, et dont les jalousies étaient toujours hermétiquement fermées. Peste ! je le crois ; elle recevait tour à tour ses trois amants. Il fit part, bien entendu, de cette belle découverte à l’abbé et elle causa de vifs éclats de rire.

Hélas ! il en vint à un tel degré d’amour qu’il méprisa l’insouciance heureuse et sans fatigue dans laquelle il avait vécu jusque-là. Il se prit à rêver palmes et couronnes. "Ah ! pensait-il, on dit que ma voix est belle et douce ! Si je pouvais la rendre assez mélodieuse pour en faire un appeau à l’amour !… Ne serais-je pas plus digne d’être aimé ? N’a-t-il pas fallu tout le génie d’un ange de bonté pour deviner sous ces habits grotesques tout ce que je suis peut-être ! O ma déesse, ô puissance encore inconnue qui me tires de la poussière, qui m’élèves à la gloire, je ne serai pas ingrat envers toi ! je travaillerai ! je…"

Le tout était débité en regardant les étoiles et les larmes aux yeux, comme cela se pratique généralement. Il confia son amour et ses projets à la belle et bonne Colombine. Elle pleura beaucoup ;