Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/34

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comme foudroyé sur les planches d’où il fallut l’emporter.

Préalablement on le mit à la porte. L’amour lui coûtait : I la paix de l’ignorance ; 2 sa voix ; 3 son pain.

Comme il fallait manger avant tout, opération préparatoire sans laquelle on est bientôt hors d’état de soupirer, il retourna au théâtre de Polichinelle qui, depuis son départ, avait un peu perdu de sa vogue. On l’embrassa, on s’attendrit sur ses douleurs et, agréant sa proposition, on se résolut à quitter l’ingrate Venise pour Florence. La vue des lagunes poignardait Scaramouche. D’ailleurs, le grand-duc de Toscane, homme de plaisir et de goût, qui avait entendu exalter la supériorité de Matteo sur toutes les autres troupes du même genre, faisait depuis longtemps, par l’organe de son envoyé à Venise, de très belles propositions qui, cette fois, furent acceptées. Inutile de dire que le prince fut aussi enchanté des acteurs que l’avaient été les Vénitiens, et que Scaramouche vit commencer l’aurore d’une faveur telle que les courtisans et ses camarades n’en pouvaient prévoir la portée.

Cependant le destin avait résolu de ne pas le laisser en paix de quelque temps. Pour connaître les menées de ce Dieu aveugle, je ramène brusquement le lecteur à Venise, où Rosetta, revenue des frayeurs que lui avait causées son invasion dans la vie théâtrale, recommençait à mener la vie la plus ennuyeuse. Pour surcroît de malheur,