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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/35

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l’abbé, ayant hérité d’une de ses tantes religieuse, était parti pour Rome et ne pouvait plus lui servir de jouet. Aussi regrettait-elle beaucoup son petit Scaramouche avec ses airs passionnés si amusants ; et en faisait-elle d’interminables lamentations avec son inséparable amie.

Un jour, elle apprit que son ex-amoureux obtenait les triomphes les plus flatteurs en Toscane, et que le grand-duc lui avait donné le titre de premier valet de chambre, emploi qui pouvait le mener très loin. Cette heureuse fortune de Matteo lui parut une taquinerie de la destinée à son endroit et, tout en se lissant les cheveux avec sa jolie main, elle dit à la signora Cornaro :

— Veux-tu que je le fasse revenir ?

— Revenir ! Sainte mère de Dieu ! Matteo revenir ! Tu n’y penses pas, ma toute charmante ? Il doit te haïr plus que Lucifer et tu veux te mettre en balance avec les grands succès qu’il obtient, l’argent qu’il gagne et les faveurs dont on le comble ? Permets-moi de te dire que c’est la démence de l’amour-propre.

— Démence ou bon sens, à ton gré, continua la belle enfant ; mais, si je veux, il viendra à Venise.

Cattarina continua à nier, Rosetta à affirmer. Pari fait et tenu. Six mois furent fixés pour la durée de la négociation et le plus grand silence juré, attendu que la réputation de la signora Tiepolo aurait pu souffrir si l’histoire s’était répandue. Elle prit la plume et, après quelque réflexion, fit partir le billet suivant :