Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/43

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dans une bordure de sbires le sabre au poing.

— Matteo Cigoli, dit Scaramouche, commença le président d’une voix non moins digne que nasillarde, avant de répondre à nos questions, pénétrez-vous bien de cette vérité : comme Dieu, dont il est le représentant sur la terre, le vénérable Conseil n’ignore rien ; aucun détour, aucun mensonge n’est impénétrable pour lui, et ce que, dans votre intérêt, vous pouvez faire de mieux, c’est de dire toute la vérité. Déclarez-nous donc le jour où vous avez été pour la première fois chez l’ambassadeur d’Espagne.

Matteo répondit :

— Illustrissime juge, je ne connais pas du tout ce digne seigneur.

— Coquin ! s’écria le magistrat avec un air de dignité tout à fait imposant, ne cherche pas de subterfuges. Quand as-tu vu l’ambassadeur d’Espagne ? Quand as-tu transporté chez lui huit caisses contenant des fusils, des canons et même des couleuvrines ? Réponds catégoriquement.

L’étonnement de Matteo était devenu démesuré : cependant il se posa en victime, les deux pieds joints, les mains unies, le dos légèrement voûté, comme surchargé du poids d’une fortune adverse, la tête pendante sur la poitrine, et il fit cette courte harangue :

— Mon digne seigneur, si vous voulez faire comparaître l’envoyé de Florence, il vous dira que je n’ai quitté son maître que depuis huit jours ; que nous avons cependant habité cette ville auparavant,