Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/44

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mes camarades et moi, et que jamais, pauvres artistes que nous sommes, nous n’avons cessé de mériter la confiance de l’Illustrissime République.

— Mais vous, Matteo Cigoli, dit Scaramouche, interrompit un second_inquisiteur, vous ne nierez pas avoir eu personnellement des rapports avec des patriciens ?

— Au contraire, Illustrissimo, je le nie.

— Qui donc aurait écrit cette lettre ? s’écrièrent en chœur les juges en montrant le brouillon de l’épître de Rosetta. Qui donc aurait caché sous une correspondance galante le fil d’une intrigue coupable ?

— Ma foi, monseigneur, puisqu’il s’agit du cou de tous mes camarades aussi bien que du mien, je vais vous narrer cette histoire.

Là-dessus, sans leur faire grâce d’un détail, depuis la visite première de l’abbé et du masque jusqu’à la chute de l’opéra d’Adonis, il raconta toute sa liaison avec la belle patricienne ; puis, pour donner un nouveau poids à sa déclaration, en disant ce qu’on ne lui demandait pas, il exhiba la lettre, la remit à ses juges ; et, en racontant la douleur et la honte qui n’avaient cessé de le poursuivre depuis la scène du plongeon, et la rage qui s’y était jointe depuis la nouvelle preuve d’outrecuidance de Rosetta, il se mit, avec une vivacité vraiment italienne, à pleurer, à crier, et il raconta tout du long la manière dont il avait résolu de se débarrasser de la perfide, quelques signes d’effroi