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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/45

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que laissât échapper son inébranlable amie, la fidèle Colombine.

Lorsqu’il eut terminé son récit, les trois inquisiteurs se mirent à se consulter entre eux à voix basse. Le colloque dura longtemps ; mais enfin il finit, et celui qui avait presque toujours parlé, appelant un familier, lui dit quelques mots à l’oreille et s’adressa ensuite à l’assistance en ces termes :

— Le Conseil n’ignore rien ; les choses les plus cachées sont bientôt découvertes par sa haute sagesse. Il sait que le nommé Domenico Ragazzo, observateur des Dix, s’est trompé, sciemment ou à son insu, dans sa déposition ; il le condamne aux plombs pour le reste de ses jours. La troupe d’histrions, à savoir Polichinelle, Tartaglia, Colombine, Barbara, Arlequin, Pantalon et l’Amour, seront immédiatement mis en liberté et bannis à tout jamais de Venise, d’où ils devront sortir dans les deux heures qui vont suivre. Quant à Matteo Cigoli, dit Scaramouche, il sera remis entre les mains d’un huissier du Conseil, pour que les ordres du dit Conseil soient exécutés dans toute leur plénitude.

Cela dit, les trois juges se retirèrent. Domenico Ragazzo, l’observateur qui s’était trompé, fut emmené à son nouveau domicile, et toute la troupe, moins Matteo, fut mise à la porte du palais ducal. Colombine croyait bien que c’en était fait de son pauvre Scaramouche ; Polichinelle essayait de tromper sa douleur en se bourrant le nez de tabac,