Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/48

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soin de votre honneur et ne peut vous permettre de le compromettre impunément, engage Votre Excellence à se retirer dans le couvent de Sainte-Marie. La gestion de ses biens appartiendra désormais au sérénissime prince.

L’arrêt était dur : payer une plaisanterie - cruelle, il est vrai, mais qui ne l’avait pas étonnamment amusée - de la perte de sa liberté et de ses biens, et de l’acquisition d’une vocation religieuse, était aussi pénible qu’on le peut dire. Mais que faire ? Obéir fut inévitable. Ce qui parut le plus affreux à la fière Rosetta, ce fut la présence de Scaramouche qui, tout généreux qu’il voulût être, laissa voir sa satisfaction. Pour lui, il s’empressait, voyant l’exécution faite, de prendre congé ; mais l’huissier, ordonnant au fiancé (assez bizarre commission) de mener Rosetta jusqu’à son couvent, ne voulut pas abandonner Matteo jusqu’à ce qu’il l’eût conduit en terre ferme ; là, il le quitta en le priant de se souvenir que, s’il mettait jamais les pieds à Venise, il n’aurait à accuser que lui seul de ce qui pourrait advenir.

Après le départ de l’huissier, Matteo se dirigea vers la plus prochaine auberge ; il y trouva ses compagnons qui le croyaient déjà au fond du canal Orfano, et qui eurent tant de joie de son retour que Tartaglia lui-même fut gagné par l’enthousiasme général ; ce n’étaient que trépignements joyeux, sauts de carpes, embrassades et cris, ou plutôt hurlements de joie. Cependant le jaloux reprit bientôt l’air le plus lugubre, quand Matteo,