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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/54

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intitulée Castor et Polynice ; Colombine devait remplir le rôle du grand prêtre Polysperchon, et toute la troupe couvait déjà des yeux l’idéal de la recette, quand la destinée jugea à propos de renverser cette dernière espérance.

Elle entra, la malicieuse, sous l’humble contenance d’un valet de chambre du grand-duc, aux livrées de la marquise Bernardina, et remit à Matteo un papier plié, d’une couleur désagréable. C’était un ordre du chef de la police, engageant les comédiens à partir le soir même et redemandant les clefs du théâtre sur lequel ils avaient si longtemps paradé. Ce fut un concert unanime de gémissements et de plaintes. Arlequin et dame Barbara, se tenant étroitement embrassés, versaient d’abondantes larmes ; Polichinelle et l’Amour criaient de concert comme les estropiés un jour de foire. Pour Tartaglia, sa douleur passait toutes les bornes, et lorsque Matteo, Pantalon et Colombine, qui s’en étaient tenus à une morne consternation, jetèrent un coup d’œil sur le désespoir général, ce furent aussi ses gémissements qui les étonnèrent davantage. Il se tenait couché sur le sofa, embrassant un coussin avec fureur, criant et pleurant et frappant le bois avec ses pieds, à coups redoublés.

— Que diable ! imbécile, lui dit en riant Matteo, ne peux-tu te comporter d’une manière plus décente ? Le chagrin n’excuse pas tout ; et n’as-tu pas honte de t’abandonner, comme un enfant, à tes lubies ?

— Cela vous est bien facile à dire, en vérité,