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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/57

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était désormais des plus simples, et c’est là le bon côté des catastrophes. La délibération fut très courte, et voici ce qu’on résolut : d’abord de vendre les habits assez propres dont chaque comédien s’était trouvé couvert au moment de sa fuite ; d’y joindre les quelques anneaux dont Colombine avait ses doigts ornés et, avec l’argent qui en reviendrait, de se procurer des vêtements plus simples et des costumes de théâtre, afin de pouvoir continuer l’exercice de leur profession.

Ainsi pourvu du nécessaire, il fallait se mettre en route au plus tôt pour Naples et ne s’arrêter en chemin que le temps nécessaire pour donner quelques représentations et augmenter ainsi le trésor commun. Naples était l’Eldorado qu’il fallait atteindre à tout prix ; c’était dans cette cité bénie que le sage Pantalon et le judicieux Polichinelle espéraient revoir les beaux jours que ne voulaient plus leur accorder Venise ni Florence.

Arlequin fut chargé de la vente des dépouilles ; il s’en acquitta à merveille, et le lendemain matin la troupe des ci-devant acteurs, revenus à leur état premier de comédiens ambulants, frisant le saltimbanque, se trouva vêtue d’une manière aussi modeste que sa fortune et propriétaire d’une longue charrette où chacun se casa comme il put. Les temps étaient changés, la garde-robe de la troupe n’était ni de velours, ni de soie, ni garnie de dentelles comme par le passé ; mais sous la serge et la bure bariolée, on avait conservé tout entiers cette verve et cet esprit qui avaient enthousiasmé