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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/59

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couché dans le sentier. Il ne bougeait pas ; il ne prononçait plus un mot. Au bruit que fit Scaramouche en s’approchant de lui, il s’écria :

— Eh bien, monsieur, puisque c’est votre métier, qu’attendez-vous ? Fouillez dans ma poche et prenez-y ma bourse ! Faut-il que j’aie l’honneur de vous la remettre moi-même ?

Matteo protesta qu’il n’avait aucune prétention au bien d’autrui et, avec toutes les formes de politesse imaginables, il remit le vieillard sur ses deux pieds. Celui-ci paraissait étonné ; il chercha dans ses poches et trouva apparemment que tout était en bon ordre, car il se dit à lui-même :

— On ne m’a rien pris ! c’est donc… décidément il faut m’attendre à tout ; mais je ne céderai pas.

Polichinelle, qui s’était approché avec toute la bande, offrit à cette nouvelle connaissance le flacon de sels de dame Barbara ; mais le vieillard, sans le regarder et sans lui répondre, ramassa sa canne et s’en alla tout droit devant lui. Les comédiens marchaient derrière en se communiquant à demi-voix leurs sentiments sur ce brusque personnage, et c’est ainsi qu’en moins de trois minutes ils se trouvèrent à l’entrée d’un village d’où sortaient deux vigoureux paysans. Les nouveaux venus mirent le chapeau à la main et, s’approchant du vieillard, ils lui dirent :

— Excellence, venez-vous du chemin creux ? Le petit Pierre, qui gardait ses chèvres dans le bois, nous a dit qu’on y poussait des cris à fendre les rochers ! Que s’y passe-t-il donc ?