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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/69

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Quand Scaramouche entra et se fit reconnaître, son antagoniste de Venise ressentit quelque trouble. Malgré sa colère et l’intérêt qu’il avait à nier les faits que le comédien s’empressa d’exposer, en s’autorisant de l’avis du curé, il se défendit très mal car, malgré ses vices, il avait de l’orgueil et ne se sentait pas fait pour le rôle d’accusé. Enfin il se laissa démasquer, et l’œil dur et sévère de don Geronimo lui dit assez, avant qu’aucune parole lui eût signifié son arrêt, que toute la faveur du vieillard lui était retirée.

— Monsieur le comte, dit enfin celui-ci, vous sentez que nos positions sont bien changées ; je ne me faisais nul scrupule de faire plier la volonté de ma nièce devant la mienne, lorsque je vous prenais pour un gentilhomme aussi honorable de cœur que de nom. Désormais, je vous retire ma parole, et dona Paula peut remercier le hasard qui me force à rompre un mariage pour lequel elle montrait assez étourdiment une répugnance irréfléchie.

La jeune brodeuse leva la tête à ces mots et, regardant en face le comte Foscari, elle lui dit :

— Vous n’êtes donc point un homme suivant le cœur de mon oncle ? amoureux des vieux livres et avare de votre argent ?

— Cela me semble assez prouvé désormais, mademoiselle, répondit le Vénitien en souriant amèrement.

— S’il en est ainsi, je ne vois plus d’obstacle à notre mariage, dit la jeune fille avec le plus grand