Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/70

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sang-froid, et je vous épouse très volontiers.

— Je m’attendais presque à cette algarade, reprit don Geronimo, et elle ne me déconcerte pas. Quand je voulais cette union et qu’elle était raisonnable, vous n’en vouliez point et vous sortiez de toutes les bornes pour m’y faire renoncer ; aujourd’hui qu’elle devient impossible et que tous mes sentiments s’y opposent, vous la désirez. Avant une heure, vous serez amoureuse folle de monsieur, cela est dans l’ordre ; mais, mademoiselle, vous me connaissez, et je ne céderai point. Sortez et rentrez dans votre chambre.

Dona Paula se mit en devoir d’obéir ; mais, regardant le seigneur Foscari d’un air d’impératrice, elle lui dit en se retirant, de manière à être entendue de tout le monde :

— Je vous aime, et je vous épouserai.

"Quel démon de femme ! pensa Scaramouche ; et elle semble à peine avoir seize ans ! Je n’y entends rien, mais ce que je sais, c’est que ce faquin de Foscari ne l’épousera pas, ou j’y perdrai ma réputation d’homme d’esprit." Le vieux gentilhomme, après avoir congédié sa nièce, était rentré dans son appartement, et le Vénitien, sans regarder Matteo, était parti. Celui-ci crut convenable d’en faire autant, mais, voulant à tout prix s’opposer au bonheur de l’homme qu’il détestait, il s’achemina vers le presbytère et vint demander au curé et au podestat de lui découvrir tous les mystères de cette étrange histoire, et surtout celui du caractère déterminé de l’héroïne.