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d’amour, affaires d’argent, affaires d’ambition avaient, par une fatalité extraordinaire, placé toujours ces deux originaux nez à nez, et, comme le grand seigneur l’avait généralement emporté sur le simple gentilhomme, celui-ci lui en voulait un mal de mort.

Il ne lui restait plus qu’une chance de lui faire pièce, c’était de rechercher si son frère, qu’il avait perdu de vue depuis plus de trente ans, existait encore ou avait laissé des traces de son passage sur cette terre. Une fois cette idée dans la tête, don Geronimo y sacrifia tout. Pendant dix ans, il fit les recherches les plus actives, et enfin il apprit que don Giulio Torrevermiglia, son frère, avait eu deux enfants de deux maîtresses différentes ; que ce pauvre seigneur avait été tué en duel par le prince Jérôme Boccatorta et que, pour ce qui concernait les deux enfants, l’un était resté aussi inconnu que sa mère, l’autre était la fille d’une bohémienne qui avait reçu l’éducation de sa famille maternelle, et qui, âgée déjà de quatorze à quinze ans, courait les grandes routes avec sa tribu, dont elle était le plus bel ornement.

Don Geronimo Torrevermiglia ne fut point effrayé des mœurs patriarcales de sa nièce ; il se promit au contraire un vif plaisir des soins généreux, des combats que nécessiterait la transformation de ce naturel probablement sauvage et, s’étant mis en route pour les Apennins, il eut le bonheur d’embrasser sa nièce, qui vint lui demander l’aumône à l’entrée d’un village. A vrai dire, le