Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/98

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les jours et, quand ma tristesse croissante et le ravage des années eurent éloigné tous mes courtisans, il me resta seul, ami tendre et aussi respectueux qu’au premier jour. Depuis quinze ans, il a pris le goût des collections d’insectes et, comme il m’en parlait toujours dans ses visites quotidiennes d’une heure à quatre et de cinq à minuit, je lui ai accordé ma main, par découragement, à condition qu’il ne m’ouvrirait jamais la bouche de ses plaisirs scientifiques et qu’il vous reconnaîtrait aussitôt que vous seriez retrouvé.

Trois fois mon amour maternel a été égaré. La première, j’ai payé les dettes d’un mousquetaire français, ruiné par le jeu, qui, ayant entendu parler de mon aventure, est arrivé de Paris en poste, avec une tache légèrement orangée sous l’oreille gauche. Le misérable a vendu une magnifique collection de scarabées, faite par le marquis, à un amateur très habile au reversis ; puis il s’est enfui avec ma femme de chambre.

Le second était un Grec qui m’avait vendue d’avance (il y a dix ans de cela) au pacha d’Égypte, et qui, sous prétexte d’une promenade sur mer, me voulait remettre entre les mains du mahométan. Il a été roué vif.

Le troisième était un Florentin qui a failli m’empoisonner pour avoir ma succession plus tôt. Mais enfin j’ai trouvé mon fils, mon fils réel ! C’est vous, mon cher enfant ! Je vous ai vu au spectacle, je vous ai suivi au bal masqué, j’ai su vos aventures, votre manière de vivre, et, persuadée de la