Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/146

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grise, sombre, démontée de toutes parts, ombragée par le reflet sinistre des grandes ombres que projetait aux alentours le panache de fumée balancé sur le sommet du volcan tout voisin et opérant librement en face de ses œuvres. On le voyait à chaque seconde se crevasser et s’ouvrir à de nouveaux courants de feux. Le bruit était si épouvantable, qu’il fallait se parler ou plutôt se crier mutuellement dans les oreilles pour parvenir à s’entendre, et encore, quand le monstre prenait sa voix de tête, était-on forcé d’attendre qu’il eût fini ses exclamations. À chaque instant, il lançait au hasard des volées de pierres ponces, de pierres à demi-calcinées, de cailloux tirés du fond de ses entrailles, et il fallait se tenir en garde contre cette meurtrière libéralité. Rien de plus imposant et de plus majestueux. Des heures s’écoulèrent dans cette contemplation. De même qu’un rêveur assis sur une plage attend constamment qu’une vague succède à une autre vague et ne s’aperçoit pas de la fuite du temps, de même ici, Akrivie, Norton et la majeure partie de leurs compagnons ne se pouvaient lasser de voir les puissantes explosions dé-