Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/206

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avec votre redingote pincée et votre raie dans les cheveux ? Allons donc ! Voulez-vous voir un vrai démocrate ? eh bien, regardez-moi, mon garçon ! Je suis des Barton du Somerset, et nous sommes passés en Irlande du temps de la reine Bess ; depuis cette époque, et cela commence à dater, il ne s’est pas donné une taloche dans le Leinster que nous n’y ayons eu part, soit pour l’appliquer, soit pour la recevoir. Mon grand-père est allé s’établir à la Nouvelle-Écosse ; mon père s’est fixé au Canada ; moi je suis venu ici dans cet îlot, que j’ai trouvé désert ; les Anglais n’ont pas le droit d’y mettre le pied, bien qu’ils en soient souverains ; et les Français qui pourraient y pêcher ne sont pas autorisés à s’y établir. Un de vos amiraux m’a dit l’année dernière : Monsieur Barton, vous savez que je pourrais vous forcer à quitter la place ? — Amiral, lui ai-je répondu, je le sais ; mais comme vous n’y auriez aucun profit, vous ne le ferez pas ; si cependant vous exigez mon départ, j’embarque mes engins de pêche, mes meubles et mes planches, et je vais m’établir plus haut, en dehors du détroit, sur la côte du Labrador, et, s’il le faut, vers le Groënland !