Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/207

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Car je ne connais ni rois, ni empereurs, ni ducs, ni présidents, ni magistrats. Je suis mon magistrat à moi-même ! Je paye ce que je dois, je prends ce qui m’appartient ; si l’on m’attaque, je me défends, et j’ai des bras pour m’en servir. Voilà ce que j’appelle un vrai démocrate !

Charles ne put retenir une grimace ironique.

— Ce que vous décrivez là, dit-il, c’est de la piraterie et du vagabondage, mais non pas de la démocratie d’après les principes.

— C’est de la démocratie américaine, mon garçon, et c’est la bonne ! Vous voulez parler de principes ? Lucy, ma bonne fille, dites-lui quelques mots là-dessus, vous qui avez été élevée à l’école de Saint-Jean, et montrez-lui que nous savons nous servir de notre langue aussi bien que ces bavards d’Européens. Ah ! voilà Patrice !

Patrice entra ; il ressemblait à son père et un peu à sa sœur. Il posa son fusil dans un coin de la salle, et, sans saluer personne ni souffler mot, il s’assit et commença à manger. La conversation continua.

— Vous parliez d’amiral tout à l’heure, dit M. John d’une voix douce et qui avait quelque