Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/60

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sa carrière, puisqu’il était déjà capitaine de vaisseau, il ne s’amusait pas dans le monde d’une manière bien remarquable. Cependant aucune disposition au spleen n’avait jamais apparu chez lui.

Quand il fut habillé, il monta sur le pont et du pont sur la passerelle ; le lavage réglementaire était en bon train, et la rumeur des seaux d’eau lancés à tour de bras et le bruissement sonore des fauberts faisaient leur tapage accoutumé. Norton rendit silencieusement le salut que lui adressa le navigating-officer, enveloppé dans son paletot comme un digne homme arrivé à la fin de son quart de nuit, et promena les yeux sur la scène ouverte autour de son navire. L’aube se levait et donna vivement à Norton l’impression de la sagesse extrême des poètes du passé, qui ont vu et décrit l’Aurore avec des doigts de rose ; en général, aucun pays au monde ne porte si bien à personnifier les phénomènes de la nature que les pays du Levant. Tout s’y manifeste avec une telle netteté, s’y détache avec une telle précision, y déploie tant de vie, y revêt tant de charmes, qu’on trouve naturel de s’imaginer