Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/105

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parquées par zones sur la surface du globe avec leurs sectateurs. Il n’est pas vrai que, de tel degré du méridien à tel autre, le christianisme doive dominer, tandis qu’à dater de telle limite, l’islamisme prendra l’empire pour le garder jusqu’à la frontière infranchissable où il devra le remettre au bouddhisme ou au brahmanisme, tandis que les chamanistes, les fétichistes se partageront ce qui restera du monde.

Les chrétiens sont répandus dans toutes les latitudes et sous tous les climats. La statistique, imparfaite sans doute, mais probable en ses données, nous les montre en grand nombre, Mongols errant dans les plaines de la haute Asie, sauvages chassant sur les plateaux des Cordillères, Esquimaux pêchant dans les glaces du pôle arctique, enfin Chinois et Japonais mourant sous le fouet des persécuteurs. L’observation ne permet plus sur cette question le plus léger doute. Mais la même observation ne permet pas non plus de confondre, comme on le fait journellement, le christianisme, l’aptitude universelle des hommes à en reconnaître les vérités, à en pratiquer les préceptes, avec la faculté, toute différente, d’un tout autre ordre, d’une tout autre nature, qui porte telle famille humaine, à l’exclusion de telles autres, à comprendre les nécessités purement terrestres du perfectionnement social, et à savoir en préparer et en traverser les phases, pour s’élever à l’état que nous appelons civilisation, état dont les degrés marquent les rapports d’inégalité des races entre elles.

On a prétendu, à tort bien certainement, dans le dernier siècle, que la doctrine du renoncement, qui constitue une partie capitale du christianisme, était, de sa nature, très opposée au développement social, et que des gens dont le suprême mérite doit être de ne rien estimer ici-bas, et d’avoir toujours les yeux fixés et les désirs tendus vers la Jérusalem céleste, ne sont guère propres à faire progresser les intérêts de ce monde. L’imperfection humaine se charge de rétorquer l’argument. Il n’a jamais été sérieusement à craindre que l’humanité renonçât aux choses du siècle, et, si expresses que fussent à cet égard les recommandations et les conseils, on peut dire que, luttant contre un courant reconnu irrésistible, on demandait beaucoup à