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actives habituées à toutes les jouissances de la vie. Cette société puissante se morcelait en des myriades d’États qui tous, à un degré plus ou moins complet, mais sans exception, subissaient l’influence religieuse et morale du centre d’action placé en Assyrie (1)[1]. Là était la source de la civilisation ; là se trouvaient réunis les principaux mobiles des développements, et ce fait, prouvé par des considérations multiples, me fait




sévère en ait plus que constaté la valeur. Lorsque le savant colonel Rawlinson donne, d’après deux cylindres en terre cuite, l’histoire complète des huit premières années du règne de Sennacherib avec le récit de la campagne de ce monarque contre les Juifs (Outlines of Assyrian history, collection from the cuneiform inscriptions, p. XV), c’est bien le moins que nous ne cédions pas trop facilement au charme inévitable qu’exerce sur l’esprit cette autobiographie où le roi raconte sa défaite et la met en regard du récit de la Bible. Une grande réserve ne me semble pas moins obligatoire, lorsque l’infatigable érudit nous offre une découverte plus surprenante encore. Dans des tablettes en terre cuite trouvées sur le bas Euphrate et envoyées à Londres par M. Loftus, membre de la Commission mixte pour la délimitation des frontières turco-persanes, M. Rawlinson pense avoir découvert des reconnaissances du trésor d’un prince assyrien pour un certain poids d’or ou d’argent, déposé dans les caisses publiques, reconnaissances qui auraient eu, dans les mains des particuliers, un cours légal. M. Mohl, en rendant compte de cette opinion, ajoute prudemment : « Ce serait un premier essai de valeurs de convention dans un temps où certainement personne ne l’aurait soupçonné, et cette supposition a quelque chose de si surprenant, qu’on ose à peine espérer qu’elle se vérifiera. » (Rapport à la Société asiatique, 1851, p. 46.)

J’espère que personne ne me blâmera d’imiter la discrétion dont un juge si compétent me donne l’exemple. Plus on fera de progrès dans la lecture des inscriptions cunéiformes, plus on découvrira de ruines dans ces vastes provinces, dont le sol inexploré parait en être couvert, plus on accomplira de miracles, j’en suis convaincu, en faisant revivre des faits déjà morts et oubliés à l’époque des Grecs. Mais c’est précisément parce qu’il y a lieu de beaucoup attendre de l’avenir, qu’il ne faut pas le compromettre en embarrassant le présent d’assertions trop hâtives, inutilement hypothétiques et souvent erronées. Je continuerai donc à me tenir de préférence sur des terrains connus et solides, et c’est pourquoi j’invoque les noms de Ninive et de Babylone comme étant ceux qui, jusqu’ici, personnifient le mieux les splendeurs assyriennes.

(1) Movers, das Phœniz. Alterthum, t. II, 1re partie, p. 265 ; Ewald, Geschichte d. V. Israël, t. I, p. 367.

  1. (1) Movers, das Phœniz. Alterthum, t. II, 1re partie, p. 265 ; Ewald, Geschichte d. V. Israël, t. I, p. 367.