Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/432

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Immédiatement au-dessous d’eux, ils placèrent la catégorie des rois alors existants avec leurs familles. En exclure aucun, c’eût été donner un démenti à la valeur de la consécration, et, en même temps, créer à l’organisation naissante des hostilités trop redoutables. À côté des rois, ils placèrent les guerriers les plus éminents, tous les hommes distingués par leur influence et leurs richesses, et ils supposèrent, plus ou moins justement, que cette classe, cette varna, cette couleur, était déjà moins franchement blanche que la leur, avait déjà contracté un certain mélange avec le sang aborigène, ou bien que, égale en pureté, tout aussi fidèle à la souche ariane, elle ne méritait néanmoins que le second rang, par la supériorité de la vocation intellectuelle et religieuse sur la vigueur physique. C’était une race grande, noble, illustre, que celle qui pouvait accepter une telle doctrine. Aux membres de la caste militaire, les purohitas donnèrent le nom de kschattryas ou hommes forts. Ils leur firent un devoir religieux de l’exercice des armes, de la science stratégique, et, tout en leur concédant le gouvernement des peuples, sous la réserve de la consécration religieuse, ils s’appuyèrent sur le sentiment public, imbu des doctrines libres de la race, pour leur refuser la puissance absolue (1)[1].




à l’égard des brahmanes. Le bien qui est fait à un homme de caste ordinaire acquiert un mérite simple ; à un membre de la caste sacerdotale, un mérite double ; à un étudiant des Védas, le mérite se multiplie par cent mille, et si c’est d’un ascète qu’il s’agit, alors il devient incommensurable.

(1) Rien d’admirable comme les prescriptions que le Manava-Dharma-Sastra (traduction de Haughton, Londres, 1825, in-4o, t. II) adresse à la caste militaire et compile probablement de règlements plus anciens. Je ne puis résister au plaisir de traduire cette page, animée du plus pur esprit chevaleresque. Chap. XII, § 88 : « Ne jamais quitter le combat, protéger le peuple et honorer les prêtres, tel est le suprême devoir des rois, celui qui assure leur félicité. » § 89 : « Ces maîtres du monde, qui, ardents à s’entre-défaire, déploient leur vigueur dans la bataille sans jamais tourner le visage, montent, après leur mort, directement au ciel. » § 90 : « Que nul homme, en combattant, ne frappe son ennemi avec des armes pointues emmanchées de bois, ni avec des flèches méchamment barbelées, ni avec des traits empoisonnés, ni avec des dards de feu. » § 91 : « Que, monté sur un char ou chevauchant

  1. (1) Rien d’admirable comme les prescriptions que le Manava-Dharma-Sastra (traduction de Haughton, Londres, 1825, in-4o, t. II) adresse à la caste militaire et compile probablement de règlements plus anciens. Je ne puis résister au plaisir de traduire cette page, animée du plus pur esprit chevaleresque. Chap. XII, § 88 : « Ne jamais quitter le combat, protéger le peuple et honorer les prêtres, tel est le suprême devoir des rois, celui qui assure leur félicité. » § 89 : « Ces maîtres du monde, qui, ardents à s’entre-défaire, déploient leur vigueur dans la bataille sans jamais tourner le visage, montent, après leur mort, directement au ciel. » § 90 : « Que nul homme, en combattant, ne frappe son ennemi avec des armes pointues emmanchées de bois, ni avec des flèches méchamment barbelées, ni avec des traits empoisonnés, ni avec des dards de feu. » § 91 : « Que, monté sur un char ou chevauchant un coursier, il n’attaque pas un ennemi à pied, ni un homme efféminé, ni celui qui demande la vie à mains jointes, ni celui dont la chevelure dénouée couvre la vue, ni celui qui, épuisé de fatigue, s’est assis sur la terre, ni celui qui dit : je suis ton captif. » § 92 : « Ni celui qui dort, ni celui qui a perdu sa cotte de mailles, ni celui qui est nu ; ni celui qui est désarmé, ni celui qui est spectateur et non acteur dans le combat, ni celui qui est aux prises avec un autre. » § 93 : « Ayant toujours présent à l’esprit le devoir des Arians, des hommes honorables, qu’il ne tue jamais quelqu’un qui a rompu son arme, ni celui qui pleure pour un chagrin particulier, ni celui qui a été blessé grièvement, ni celui qui a peur, ni celui qui tourne le dos. » § 98 : « Telle est la loi antique et irréprochable des guerriers. De cette loi, nul roi ne doit jamais se départir, quand il attaque ses ennemis dans la bataille. »